En révolutionnant le monde des intelligences artificielles (IA) génératives, ChatGPT a généré un buzz planétaire dès son lancement en novembre 2022. Cette forte médiatisation a dévoilé les enjeux cruciaux liés aux capacités grandissantes de l’IA et son utilisation croissante dans divers secteurs de la société.
L’IA et le risque de substitution d’emplois
L’une des préoccupations majeures reste le risque de substitution de millions d’emplois par des robots capables de réaliser des tâches auparavant réservées aux humains. Cette inquiétude est-elle partagée par les salariés français ? Ont-ils recours eux-mêmes à des IA comme ChatGPT ? Perçoivent-ils l’IA comme un atout ou un risque pour leur travail ? Pour répondre à ces questions, l’IFOP a mené, pour Learnthings, une enquête auprès de près de 2 000 Français, dont la moitié sont salariés.
Les résultats montrent qu’un nombre croissant de salariés (22 %) utilisent discrètement l’IA au travail. Cependant, cette technologie reste marginale dans les entreprises : seuls 10 % des salariés ont reçu une formation. Par ailleurs, les bénéfices de l’IA suscitent des doutes croissants alors que ses effets potentiellement négatifs sur l’emploi et les inégalités inquiètent plus de 6 personnes sur 10.
Les Français croient en une IA « humaine »… mais n’en veulent pas !
Aujourd’hui, 64 % des Français pensent que les machines pourraient un jour agir comme des humains, contre 32 % en 1972. Les avancées technologiques rendent cette vision plausible, mais l’adhésion reste faible : 87 % ne souhaitent pas voir cette évolution se concrétiser, un chiffre similaire aux 91 % relevés en 1972. La méfiance reste forte vis-à-vis d’une IA dotée de capacités équivalentes ou supérieures aux nôtres.
Le pouvoir des machines divise
Pour 65 % des Français, les IA resteront sous contrôle humain, mais 35 % estiment qu’elles pourraient un jour gouverner seules l’humanité. Les plus jeunes se montrent les moins convaincus par cette idée, avec seulement 26 % de sceptiques parmi les 18-29 ans contre 42 % chez les 50-59 ans.
Une perception oscillant entre inquiétude et indifférence
Plus de la moitié des Français (51 %) ressentent une inquiétude face aux IA comme ChatGPT, tandis que 35 % y restent indifférents, et seuls 14 % se disent enthousiastes. L’âge accentue ces sentiments : de 31 % d’inquiets chez les 18-29 ans, ce taux monte à 59 % chez les plus de 60 ans. Les femmes se montrent globalement plus inquiètes (55 %) que les hommes (46 %).
L’IA et les métiers d’avenir
En 1972, 37 % des Français estimaient exercer un métier d’avenir, un chiffre tombé à 13 % aujourd’hui. L’émergence de l’IA, perçue comme une menace pour l’emploi, renforce ce sentiment d’incertitude.
Usage de l’IA en milieu professionnel : une tendance en hausse
En cinq ans, l’usage professionnel de l’IA est passé de 14 % à 22 %. Les hommes, les jeunes, et les dirigeants d’entreprises figurent parmi les plus utilisateurs. Pourtant, plus de la moitié de ceux qui utilisent l’IA le font sans informer leur hiérarchie, et seuls 10 % des salariés ont été formés – une formation jugée inadéquate pour la moitié des formés. La plupart des salariés (63 %) ne souhaitent d’ailleurs pas être formés à l’IA.
Des tensions à surveiller dans les entreprises
À ce jour, les tensions liées à l’utilisation de l’IA en entreprise restent marginales (11 %), mais augmentent dès que des formations sont proposées. Les entreprises devront sans doute anticiper ces conflits pour réussir l’intégration de l’IA dans leur fonctionnement.
Une vision de plus en plus pessimiste
Quatre salariés sur dix pensent que l’IA remplacera la plupart de leurs tâches, et 27 % estiment que cela pourrait se produire dans les dix prochaines années. Les craintes sont particulièrement vives concernant l’impact de l’IA sur l’emploi : 41 % des salariés pensent que son influence sera négative, contre 16 % qui y voient un atout. La perception des avantages de l’IA diminue : alors que 46 % des salariés pensaient en 2018 qu’elle améliorerait leur performance, ils ne sont plus que 29 % à le croire.
Menace sur l’emploi et les inégalités
Un large consensus (68 %) anticipe des impacts négatifs de l’IA dans les entreprises. Une majorité craint notamment une augmentation des inégalités et une baisse d’intérêt pour leur métier. Ces préoccupations sont surtout exprimées par les cadres supérieurs, qui perçoivent ces risques plus que les autres.
Étude réalisée par l’IFOP pour Learnthings du 21 décembre 2023 au 3 janvier 2024 auprès de 1 911 personnes, dont 952 salariés. (source)
Note De Sam : cela rappelle le remplacement au XVIII ème et ensuite au dix-neuvième des ouvriers du textiles, par les machines (protestations des Luddites):
L’arrivée de l’intelligence artificielle et d’outils comme ChatGPT suscite aujourd’hui une inquiétude similaire à celle engendrée par les machines lors de la révolution industrielle. À l’époque, de nombreux ouvriers qualifiés du textile se sont retrouvés au chômage, voyant leur métier remplacé et leurs salaires réduits, ce qui a conduit à des manifestations violentes. Dans les grandes villes industrielles du Yorkshire, du Lancashire et du Nottinghamshire, entre 1811 et 1816, un groupe de protestation nommé les Luddites – dirigé par le mythique Ned Ludd, alias King Ludd – est apparu. Ils pénétraient dans les usines pour briser les machines qui menaçaient leur gagne-pain.
Aujourd’hui, de nombreux travailleurs craignent que l’IA, notamment ChatGPT, menace leur emploi de manière similaire. Les professionnels redoutent de voir leurs tâches remplacées, avec des impacts sur leurs revenus et leur sécurité professionnelle. L’Establishment, autrefois protecteur des usines, protège aujourd’hui l’innovation numérique, encourageant l’usage de l’IA malgré les craintes de ceux dont le métier est en jeu. Les entreprises investissent massivement dans l’IA, et des mesures de sécurité et de réglementation sont en place pour encadrer son utilisation. Alors que les Luddites risquaient la pendaison ou la déportation pour avoir protesté, les travailleurs modernes, bien qu’exprimant leurs réserves, doivent désormais s’adapter ou se former à ces nouvelles technologies.